Accompagner la neurodiversité en bilan de compétences : bien au-delà des ajustements

Lors d’un premier échange, une personne m’a raconté qu’on lui avait conseillé de “ne pas trop en faire avec son handicap”. Que ce n’était pas la peine d’y accorder trop d’importance pour la suite.

Je comprends l’intention. Mais ce n’est pas si simple.

On ne compense pas toute sa vie sans conséquences. Et accompagner la neurodiversité, ce n’est pas juste “ajuster un peu le cadre” ou “rajouter un niveau d’adaptation”. C’est comprendre, de l’intérieur, ce que coûte cette adaptation permanente : l’énergie qu’elle mobilise, les choix qu’elle façonne, les zones qu’elle finit parfois par effacer.

Quand les adaptations finissent par tout recouvrir

Beaucoup de personnes que nous accompagnons ont appris très tôt à composer, à ajuster, à faire “comme il faut”. Elles ont trouvé des stratégies pour réussir, pour se fondre dans des environnements où elles ne se reconnaissaient pas toujours. Et ces efforts d’adaptation ont souvent été la clé de leur réussite… mais aussi, parfois, la source de leur épuisement.

À force d’apprendre à s’ajuster, on peut finir par ne plus savoir à quoi on s’ajustait au départ. Certaines personnes se présentent avec un parcours “parfait”, des postes solides, une expertise reconnue, mais une fatigue profonde. Elles savent ce qu’elles font bien, mais plus forcément pourquoi elles le font, ni ce qu’elles veulent continuer à faire.

C’est souvent à ce moment-là qu’un bilan de compétences prend tout son sens : non pas pour “corriger le tir”, mais pour remettre un peu de justesse entre ce qu’on fait bien et ce qui fait du bien.

Les questionnaires : un support pour ouvrir la discussion

Nous utilisons parfois des questionnaires de personnalité. Pas pour ranger les gens dans des cases, ni pour décréter un profil, mais pour ouvrir la conversation. Ce sont des outils de dialogue, des miroirs à facettes.

Ce qui compte, ce n’est pas le résultat chiffré ou la catégorie finale, mais ce que cela réveille : une réaction, un souvenir, une cohérence retrouvée. Un bon outil n’impose pas une vérité, il invite à se relire autrement.

Certains y voient des correspondances entre leurs préférences actuelles et ce qu’ils ont dû apprendre à devenir. D’autres découvrent qu’ils ont excellé dans des contextes qui ne leur correspondaient pas, simplement parce qu’ils ont longtemps appris à s’y adapter. C’est dans cette nuance que l’accompagnement prend tout son sens : comprendre sans juger, relier sans réduire.

La neurodiversité n’est pas une case

Reconnaître la neurodiversité, ce n’est pas enfermer les gens dans un diagnostic, ni poser une étiquette sur leurs capacités. C’est simplement admettre que leur fonctionnement fait partie d’eux, et qu’il influence la manière dont ils travaillent, coopèrent, pensent ou se fatiguent.

Les stéréotypes, eux, sont encore nombreux : on imagine une personne autiste isolée, un TDAH désorganisé, un HPI invincible. La réalité est beaucoup plus subtile.

On peut être autiste et aimer la relation humaine. TDAH et structuré dans son chaos. HPI et totalement épuisé.

Ces nuances ne relèvent pas du “cas particulier” : elles sont la norme dès qu’on accepte de regarder les individus au lieu des profils.

Dans un bilan, cela implique d’écouter autrement, d’accueillir les pauses, les silences, les divergences de rythme. Mais surtout, de ne jamais réduire la personne à son diagnostic. Ce n’est pas “faire différemment”, c’est faire avec plus de conscience.

L’espace du bilan : se relire sans se justifier

Un bon bilan de compétences, pour nous, n’est pas un protocole figé. C’est un espace de clarté : un moment où l’on peut déposer les rôles, les masques, les efforts, et retrouver une lecture plus juste de soi.

Ce n’est pas un test de plus. C’est un espace où on cesse de suradapter pour pouvoir se retrouver.

Remettre en mouvement, redonner du sens, parfois simplement retrouver le droit d’être complexe — voilà ce que nous cherchons. Et c’est souvent là que les trajectoires reprennent souffle.

Pour aller plus loin

Si vous avez l’impression qu’on vous parle de vos besoins sans comprendre le vrai problème, venez échanger. Parfois, une simple conversation suffit à remettre un peu de clarté — sans modèle productiviste, promis.

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