Une décision…

 

J’en ai parlé sur Linked In d’abord, car il était très important pour moi d’acter rapidement cette pause dans mes études, car j’étais à ce moment là sur une ligne de crête, où je pouvais encore basculer du côté obscur : m’entêter contre moi-même et m’enterrer sous des semaines de révision, au détriment de ma vie.

Il était nécessaire de mettre un gros frein au risque de me perdre. Et puis le recul était de mise : j’ai un boulot de salariée fantastique, une activité d’indépendante à lancer, un diplôme de Master 2 en informatique décisionnelle, il n’était nul besoin pour moi d’obtenir ce diplôme. En tout cas pas maintenant.​

 

 

 

 

 

 

 

 

 

…pas évidente

Cette décision est loin d’être facile, elle entraîne dans un premier temps de l’auto-flagellation, de la culpabilité, de la honte, et certainement pas de l’auto-congratulation d’avoir stoppé « avant », surtout si je l’annonce en ligne, après avoir mis en avant cette reprise d’étude.

Et franchement, peu importe, quelques semaines après, je sais que j’ai pris la bonne décision, le printemps n’annonce pas un emballement que dans le jardin et la forêt, mais également au travail (des appels à projets, des nouveautés, de nouvelles ambitions) et dans la vie perso (je n’apprendrai à personne ce que fait l’effet d’un soleil radieux, d’une terrasse et d’une nature qui explose 😉 )

Je parlais la dernière fois du doute, et bien…je doute moins, c’est indéniable, en tout cas par sur ce sujet là. J’aurai aimé pouvoir continuer d’apprendre, mais ce n’est pas comme ça que ça va se passer. Je dois assimiler déjà ce que j’ai appris, continuer de moi-même, et peut-être ensuite valider ces connaissances.

 

 

 

Dés-invisibiliser le handicap

Comment également parler de cet arrêt peut-être provisoire de mes études, sans mentionner ma situation de handicap. Elle n’est pas taboue, le fait est que je suis en situation de handicap, handicap invisible qui plus est. Je ressens le besoin de revenir sur cette notion de handicap *invisible*, mais plus tard.

Pour obtenir un bac + 5, j’ai mis 8 années. Les difficultés que je rencontre maintenant, notamment en terme de régulation, ne sont pas étrangères à celles que j’ai rencontré pendant mes études « initiales ».

Je me souviens très très souvent de cette prof de prépa qui me regarde, les poings sur les hanches et qui me dit : « Delphine, ça devrait marcher, mais ça ne marche pas, et je ne comprends pas pourquoi. ». (Madame Camez, je vous salue, j’aurai du essayer de comprendre à l’époque et creuser cette intuition 😊 )

Oui effectivement, et j’ai mis 20 ans à le comprendre, pourquoi ça n’a pas marché, et même si je comprends maintenant ce qui se passe, ça ne m’a pas empêché d’être en difficulté. Et ça ne m’a pas empêché de redémarrer les études sans demander le moindre aménagement.

C’est pourquoi une reprise d’étude de ma part, en L2 psycho à Jean Jaurès (ou ailleurs) ne se fera pas sans un accompagnement du service handicap :

  • Pour obtenir un tiers temps: j’ai largement sous-estimé mes difficultés à l’écriture, mon hypertonie, mes difficultés praxiques. Un QCM, c’était réglé en 10 minutes, par contre j’ai failli ne pas pouvoir aller jusqu’au bout d’un devoir de rédaction d’une heure et demie car je n’arrivais plus à écrire.
  • Pour obtenir de l’aide sur la gestion des contenus implicites dans les examens : entre la détresse engendrée post-exam par une consigne non écrite donnée à l’oral, et les minutes perdues à essayer de déconstruire les phrases grammaticalement pour d’abord être sûre de leur sens littéral, et ensuite passer en revue les usages pour essayer de comprendre ce que le prof attend de moi, j’aurai pu m’éviter du tracas. (Ce point est difficile, mais en tant que membre de l’équipe nationale chez Aspie-Friendly, je peux vous dire qu’il est dans l’esprit de nombreux professionnels et qu’on va s’y employer)
  • Pour me faire aider à échelonner mes UEs sur plusieurs années : mon TDAH me rend la gestion régulière d’un effort extrêmement compliquée et j’ai besoin d’un étayage pour m’obliger à ralentir, m’aider à gérer mon énergie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pourquoi j’en parle ?

Pour moi

Il y a 20 ans, j’étais plus jeune, je compensais plus facilement, sans savoir. Maintenant je sais, et :

  • Je compense moins bien
  • Je n’ai pas envie de compenser quelque chose qui pourrait être adapté
  • Il y a aussi un côté militant : ras le bol de se taire, et de faire « normal » dans un monde où je me retrouve en difficulté devant de nombreuses choses sensées être faciles, normales, abordables, innées, aisées, choisissez l’adjectif qui va bien.

Pour les autres

  • Il est important de comprendre que ce n’est pas parce qu’on peut compenser, qu’on doit compenser tout le temps. Il nous faudra toujours compenser de toute façon, c’est notre croix, permanente, mais justement, demandons du « confort » quand c’est possible. Confort n’est même pas le bon mot, je veux juste dire « arrêter de souffrir pour se mettre au niveau que la société attend de nous »
  • Je pense aux jeunes, et parmi eux mes enfants, et je le vois de mes yeux vus : tout l’effort qu’ils ne mettent pas à « compenser », ils peuvent l’investir ailleurs : leurs apprentissages, leurs remédiations, leurs savoirs (être et faire)…

Pour vous

  • C’est un réel leitmotiv : une société plus inclusive sera profitable pour tous. Si un environnement devient plus agréable pour une minorité aux besoins plus exigeants, alors c’est la majorité qui en profitera.

 

 

Delphine H.