La gestion de projet malgré le handicap

En sortant de l’eau, recrachée par le burn-out sur la rive, j’imputais une partie du problème au poste : la gestion/direction/management  de projet.  (*)

Pourtant, et c’est une des choses qui m’a le plus surpris à l’issue de mon bilan de compétences, la gestion de projet est ressortie validée.

Quand j’ai compris, au fil des diagnostics de TND (Troubles Neuro-développementaux) posés, ce qu’impliquait un déficit des fonctions exécutives – pour rappel les voici grosso modo : Planification, Inhibition, Flexibilité Mentale, Mémoire, Attention, Régulation émotionnelle… je me suis vraiment demandé pourquoi en effet je finissais toujours par y revenir.

Quand je participe à des sensibilisations sur l’autisme et que je témoigne juste après en disant que je suis chef de projet, je sens bien que des sourcils se lèvent : « elle dit qu’elle a des soucis de planif et elle nous dit qu’elle est chef de projet ? ça doit pas cheffer grand-chose, alors en plus si elle est rigide et qu’elle a les interactions sociales difficiles ! »

Quelle est donc cette diablerie ?

(*) Spoiler : pour autant oui ! le poste et son contexte ont été un facteur de burn-out

 

 

 

Comment ça se fait ?

J’ai mis un peu de temps à le comprendre, et l’accepter : mes troubles sont un handicap pour ce métier, mais la façon que j’ai de les compenser me permet d’être une bonne professionnelle.

Quand j’arrive quelque part, je prends forcément avec moi une ceinture et boîte à outils assortie, et je réorganise tout de fond en comble pour que ce soit suffisamment clair, explicite, carré et organisé…pour moi. Et vu les troubles que je me trimballe, mes exigences sont élevées.

  • Ce n’est pas la planification en soit qui me gène : ce sont les imprévus, et je vais donc chercher à les minimiser
  • Je sais que mes émotions, les interactions sociales me sont plus que traîtres : contrat ? vous avez dit contrat?

Cela fait de moi *un* type de chef de projet, très adapté aux situations floues, nécessitant des recadrages, où il est nécessaire de regagner la confiance du client. Pas le type le plus adapté en toute occasion, mais ça tient bien la route.

C’est ainsi que, sans que ce soit forcément dans mes préférences initiales, j’ai pu développer des compétences de structuration, qui me permettent de fonctionner et la plupart du temps de « survivre » au sens propre.

 

 

Mes enfants et l’équilibre familial : mes « clients » les plus exigeants

Ces compétences de gestion, je les aiguise au quotidien : les TND ont une composante génétique, si bien que ça n’a pas loupé, mes enfants ont des TND et ils ont des difficultés similaires – mais différentes des miennes.

On ne le dira jamais assez, avoir un TND c’est appartenir à un spectre : les façons d’exprimer les troubles sont uniques à chaque individu, comme un cocktail personnel.

Composer avec une famille entièrement sur le spectre est un exercice d’une difficulté extrême : entre autre chose, la gestion des tâches du quotidien peut vite devenir un calvaire, où on se sent bien démuni tellement il est difficile de se représenter ce que pourrait être notre vie. C’est un autre sujet, cette solitude face à la réalité concrète de ce que représentent nos handicaps invisibles, une fois que la porte de l’école, ou encore du bureau est refermée.

Depuis que mes enfants sont en âge de comprendre et faire certaines choses, je n’arrête pas de mettre en place des systèmes pour les aider à mieux fonctionner. Les buts sont multiples :

  • Simplement arriver à vivre et réaliser les tâches exigées par la vie et la vie en société
  • Donner à nos enfants des méthodologies, des savoir-faire qu’ils pourront utiliser dans leur vie d’ado, de pré-adulte, d’adulte… et qui nous ont manqué, et manquent encore, certaines choses accessibles nous sont encore impossible, faute de remédiations apportées dès l’enfance
  • Ne pas passer tout son temps et son énergie restante après le travail dans le quotidien

Je suis en permanence donc obligée d’essayer des systèmes, les amender, les abandonner, créer le suivant avec ce qui a le mieux marché… (PDCA mon amour), j’en teste au moins un par an.

Je fais donc : du management visuel, des revues hebdos, des ateliers de conception, du recueil de feedback (mes enfants), de la comm, bref… si je veux arriver à quelque chose je dois forcément aller puiser dans des outils de gestion de projet.

Apprendre à gérer sa vie, son temps, son énergie, ses relations sociales comme un projet est obligatoire, c’est une question de survie. (Encore une fois, c’est du premier degré.)

 

 

 

 

 

 

La contre-partie

Alors oui, c’est vrai, on s’affûte pas mal sur la gestion de projet, l’organisation etc quand on arrive à compenser.

Déjà, on n’arrive pas à compenser ou compenser tout le temps. Il y a des up, mais aussi des downs. Pas toujours simple de se voir dysfonctionner, de se sentir défectueux. La « société » aime bien en général nous faire sentir qu’il y a une performance en baisse, qu’on ne répond pas aux attentes etc…

La compensation n’est par définition pas naturelle, quand elle n’est pas facilitée par l’environnement, elle prend une énergie considérable. La fatigabilité est un fléau et parfois l’élément qui va pousser à aller consulter : j’ai mis du temps à comprendre que mon état de fatigue était absolument anormal.

J’ai souvent l’impression de vivre sur une ligne de crête : pas assez de compensation/structuration et c’est la dégringolade. Trop de structuration et là, on bascule dans l’enfer étouffant de la sur-organisation, sur-planification : on se consume à petit feu et il est bien tard souvent quand on tombe sur un professionnel qui va mettre des mots sur la situation. (En général il en suffit de deux… burn… out)

Quand je planifie ma semaine au quart d’heure, il est grand temps que je siffle la fin du jeu et que j’aille prendre l’air.

C’est un travail de tous les jours, pas possible de me relâcher, dur à accepter ça aussi, il me semble que la psychoéducation a (ou plutôt aura, quand elle sera devenue la norme) de beaux jours devant elle, et avant ça une sensibilisation massive des soignants et des citoyens sur les TND.

Quand notre « traitement » est aussi invisible à l’œil nu que peuvent l’être les thérapies cognitives et comportementales, l’hygiène de vie, le sommeil, pas toujours simple d’accepter la nécessité de cette rigueur quotidienne.

Nota Bene

M’en sortir aura été une affaire d’équipe, et c’est un travail que je sais devoir poursuivre toute ma vie. Le bilan de compétences Variations RH a été un élément clé de ma poursuite professionnelle et de la compréhension que j’ai de mes préférences, grâce à la méthodologie et l’accompagnement de Sophie Barbet-Massin. C’est pour cette raison que je travaille maintenant avec elle.

 

Si vous aussi vous luttez dans le spectre, n’hésitez pas à nous contacter pour échanger autour d’un bilan de compétences.

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Delphine H.