Journal de Bord d’une Étudiante Multi-Récidiviste – 3 – Clap de pause n’est pas Clap de fin

Une décision…

 

J’en ai parlé sur Linked In d’abord, car il était très important pour moi d’acter rapidement cette pause dans mes études, car j’étais à ce moment là sur une ligne de crête, où je pouvais encore basculer du côté obscur : m’entêter contre moi-même et m’enterrer sous des semaines de révision, au détriment de ma vie.

Il était nécessaire de mettre un gros frein au risque de me perdre. Et puis le recul était de mise : j’ai un boulot de salariée fantastique, une activité d’indépendante à lancer, un diplôme de Master 2 en informatique décisionnelle, il n’était nul besoin pour moi d’obtenir ce diplôme. En tout cas pas maintenant.​

 

 

 

 

 

 

 

 

 

…pas évidente

Cette décision est loin d’être facile, elle entraîne dans un premier temps de l’auto-flagellation, de la culpabilité, de la honte, et certainement pas de l’auto-congratulation d’avoir stoppé « avant », surtout si je l’annonce en ligne, après avoir mis en avant cette reprise d’étude.

Et franchement, peu importe, quelques semaines après, je sais que j’ai pris la bonne décision, le printemps n’annonce pas un emballement que dans le jardin et la forêt, mais également au travail (des appels à projets, des nouveautés, de nouvelles ambitions) et dans la vie perso (je n’apprendrai à personne ce que fait l’effet d’un soleil radieux, d’une terrasse et d’une nature qui explose 😉 )

Je parlais la dernière fois du doute, et bien…je doute moins, c’est indéniable, en tout cas par sur ce sujet là. J’aurai aimé pouvoir continuer d’apprendre, mais ce n’est pas comme ça que ça va se passer. Je dois assimiler déjà ce que j’ai appris, continuer de moi-même, et peut-être ensuite valider ces connaissances.

 

 

 

Dés-invisibiliser le handicap

Comment également parler de cet arrêt peut-être provisoire de mes études, sans mentionner ma situation de handicap. Elle n’est pas taboue, le fait est que je suis en situation de handicap, handicap invisible qui plus est. Je ressens le besoin de revenir sur cette notion de handicap *invisible*, mais plus tard.

Pour obtenir un bac + 5, j’ai mis 8 années. Les difficultés que je rencontre maintenant, notamment en terme de régulation, ne sont pas étrangères à celles que j’ai rencontré pendant mes études « initiales ».

Je me souviens très très souvent de cette prof de prépa qui me regarde, les poings sur les hanches et qui me dit : « Delphine, ça devrait marcher, mais ça ne marche pas, et je ne comprends pas pourquoi. ». (Madame Camez, je vous salue, j’aurai du essayer de comprendre à l’époque et creuser cette intuition 😊 )

Oui effectivement, et j’ai mis 20 ans à le comprendre, pourquoi ça n’a pas marché, et même si je comprends maintenant ce qui se passe, ça ne m’a pas empêché d’être en difficulté. Et ça ne m’a pas empêché de redémarrer les études sans demander le moindre aménagement.

C’est pourquoi une reprise d’étude de ma part, en L2 psycho à Jean Jaurès (ou ailleurs) ne se fera pas sans un accompagnement du service handicap :

  • Pour obtenir un tiers temps: j’ai largement sous-estimé mes difficultés à l’écriture, mon hypertonie, mes difficultés praxiques. Un QCM, c’était réglé en 10 minutes, par contre j’ai failli ne pas pouvoir aller jusqu’au bout d’un devoir de rédaction d’une heure et demie car je n’arrivais plus à écrire.
  • Pour obtenir de l’aide sur la gestion des contenus implicites dans les examens : entre la détresse engendrée post-exam par une consigne non écrite donnée à l’oral, et les minutes perdues à essayer de déconstruire les phrases grammaticalement pour d’abord être sûre de leur sens littéral, et ensuite passer en revue les usages pour essayer de comprendre ce que le prof attend de moi, j’aurai pu m’éviter du tracas. (Ce point est difficile, mais en tant que membre de l’équipe nationale chez Aspie-Friendly, je peux vous dire qu’il est dans l’esprit de nombreux professionnels et qu’on va s’y employer)
  • Pour me faire aider à échelonner mes UEs sur plusieurs années : mon TDAH me rend la gestion régulière d’un effort extrêmement compliquée et j’ai besoin d’un étayage pour m’obliger à ralentir, m’aider à gérer mon énergie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pourquoi j’en parle ?

Pour moi

Il y a 20 ans, j’étais plus jeune, je compensais plus facilement, sans savoir. Maintenant je sais, et :

  • Je compense moins bien
  • Je n’ai pas envie de compenser quelque chose qui pourrait être adapté
  • Il y a aussi un côté militant : ras le bol de se taire, et de faire « normal » dans un monde où je me retrouve en difficulté devant de nombreuses choses sensées être faciles, normales, abordables, innées, aisées, choisissez l’adjectif qui va bien.

Pour les autres

  • Il est important de comprendre que ce n’est pas parce qu’on peut compenser, qu’on doit compenser tout le temps. Il nous faudra toujours compenser de toute façon, c’est notre croix, permanente, mais justement, demandons du « confort » quand c’est possible. Confort n’est même pas le bon mot, je veux juste dire « arrêter de souffrir pour se mettre au niveau que la société attend de nous »
  • Je pense aux jeunes, et parmi eux mes enfants, et je le vois de mes yeux vus : tout l’effort qu’ils ne mettent pas à « compenser », ils peuvent l’investir ailleurs : leurs apprentissages, leurs remédiations, leurs savoirs (être et faire)…

Pour vous

  • C’est un réel leitmotiv : une société plus inclusive sera profitable pour tous. Si un environnement devient plus agréable pour une minorité aux besoins plus exigeants, alors c’est la majorité qui en profitera.

 

 

Delphine H. 

Journal de Bord d’une Étudiante Multi-Récidiviste – 2

Attendre, attendre, attendre….

 

Je vous ai laissé, tremblant d’impatience, je le sais ^^ mes partiels terminés. Que s’est-il passé depuis ? Et bien… j’ai attendu ! Plus de deux mois après mes partiels, deux mois et 4 jours pour être exacte avant d’avoir enfin mes notes !

Outre que je trouve ça ahurissant d’attendre aussi longtemps quand la plupart des épreuves sont des QCM, cette attente m’a quelque peu coupé les jambes. Partie guillerette vers le 2ème semestre…ben.. j’ai fait une grosse pause : comme Périclès, dit Pépé, j’ai retenu ma respiration jusqu’à ce que les notes ET les dates d’exams nous arrivent.

Si les notes sont arrivées – cette semaine, les dates d’exams se font attendre, mais bon, il faut que j’arrête d’être aussi exigeante, nous ne sommes qu’à un mois du début de la session…

Du coup j’ai repris ma respiration, parce que je sais reconnaître un combat perdu d’avance… Université 1 – Delphine 0.

 

 

 

La place au Doute

Si on voit le côté positif des choses, faire une pause m’a permis de prendre un peu de recul, d’observer un peu les conséquences globales de mon premier semestre : fatigue mentale, fatigue physique, difficulté à se remettre dans un rythme moins frénétique, à redescendre en charge.

Alors…j’ai douté. J’ai tout remis en question. Et à quoi bon ? et pourquoi ? et à quoi ça sert de s’infliger tout ça ?

Et si j’arrêtais ? Et si je faisais une pause ? Et si je faisais diététicienne ? Et si je faisais orthopédagogue ? et si, et si ?

Au final je ne sais toujours pas, mais j’ai passé un deal avec moi-même : « calme toi ma vieille ». En gros.

Donc cette période désagréable aura eu un résultat : pas sûre d’aller aux rattrapages si j’en ai au second semestre, pas sûre de ne pas demander un refus de compensation si j’ai des notes <10, c’est effectivement tout ce que j’ai trouvé pour me faire ralentir, et c’est OK !!

Pour moi arriver à dire ça, ça relève un peu du passage de « un CDI sinon je meurs » de mes débuts  à « un CDI ? Plutôt mourir » pendant ma transition pro.

Ça détend pas mal, même si mon challenge perpétuel est de lutter contre la machine que je peux avoir dans la tête la plupart du temps : je le sais, parfois, il faut la mettre au garage et profiter d’une bucolique mais néanmoins pittoresque balade en calèche.

 

 

 

Bon et sinon ? Les notes ?

Ben… elles sont bonnes. Si je n’avais pas un passif de tête à claque je dirai même « très bonnes ». J’ai eu mon semestre et je dirai même que c’est mon meilleur semestre en 8.5 années d’études.

J’ai eu la satisfaction de voir mon travail payer, j’ai constaté qu’un hors-sujet valait toujours 0, j’ai honoré mon passé d’étudiante en intelligence décisionnelle en ayant une très bonne note en stat.

J’ai eu la joie d’avoir un travail de groupe récompensé, et surtout pouvoir partager cette joie. J’ai eu la déception d’une note moyenne sur un dossier qui a demandé des heures et des heures de boulot… la vie étudiante quoi !

La suite ?

Bosser ! 😀

Kiffer les neurosciences, écouter mes podcasts de cours sur les trajets en voiture, apprécier le futur soleil caresser mon visage pendant les révisions, expérimenter en live sur moi-même l’effet testing avec Wooflash…

Jongler avec mon emploi du temps pour trouver où caser les cours, les révisions, du temps pour moi, les exams.

Aller boire un coup avec mes valeureuses copines à la fin de tout ça…

C’est encore bien, loin, il faudra d’abord attendre, attendre, stresser, attendre, douter, douter, douter…. 😉

 

 

Delphine H. 

Journal de Bord d’une Etudiante Multi Récidiviste -1

Reprendre les études, mais ça vient d’où ?

 

 

Honnêtement, les études supérieures et moi c’était pas gagné : j’ai redoublé trois fois dans mon cursus supérieur après des études dans le secondaire sans faute, couronnées par une mention très bien au bac.

Notez-bien que je ne dis pas ça pour me la péter, mais pour illustrer à quel point la chute et la transition furent rudes de tête de classe aux tréfonds du classement.
J’ai connu la réussite académique, et j’ai connu la désespérance profonde des échecs à répétition, de la quête de sens ou d’une voie d’orientation qui n’aboutit pas.

J’ai donc redoublé trois fois, et j’ai changé quatre fois d’établissement, et j’ai fini par obtenir un master 2 au bout de huit ans.  J’avais fait le job in fine – mes deux dernières années ont été des années normales, et enfin gratifiantes, mais ces huit ans m’ont épuisé, dégoûté.

23 ans après, rétrospectivement, je connais les raisons de ces galères et il m’a fallu un long processus de plus de trois ans pour comprendre tout ça et dévider les fils de ma pelote personnelle.

 

 

La question de la formation s’est posée environ un an après mon bilan de compétences. Mon projet s’affinant peu à peu, évoluant par à-coups, j’ai eu besoin de me former. Pourquoi ? Parce que simplement j’aime apprendre, j’aime aussi aller au fond des choses, et si possible savoir de quoi je parle ^^

Je me suis assez longtemps interrogée, n’arrivant pas à regarder autre chose que des formations « privées » plus ou moins longues et très payantes. J’étais encore conditionnée par mon ancien milieu professionnel et j’avais du mal à élargir mon champ de perspectives.

Quelques mois plus tard (oui c’est long ^^), après deux entretiens avec une admirable psychologue de Pôle Emploi, en train de rechercher des éléments dont elle m’avait parlé, tout ce que je trouvais tombait dans le champ d’étude de la psychologie. Et là, bim (paf, badaboum, ce qui fonctionne pour vous), le besoin impérieux de m’inscrire en licence de psychologie s’est imposé.

Pour une fois, j’ai eu de la chance, et je suis tombée pile poil dans les clous à la fois pour Parcours Sup et pour déposer des dossiers de validation d’acquis à l’Université, pour accéder directement en L2.

J’ai posé une candidature pour une L1 Psycho à l’Université Jean Jaurès sur Parcours Sup, et une candidature en L2 via une VA85, validation des acquis par expérience professionnelle. J’ai foncé, bille en tête, sans arrière pensée, j’ai tout donné pour le dossier, et rétrospectivement, je ne suis pas sûre qu’il fût nécessaire de stresser autant…

Le grand moment de cette période, sans conteste, aura été le moment de l’inscription administrative à la fac, où je me suis revue littéralement vingt ans plus tôt face au même type de formulaire, rentrant les même choses dans les même champs, sauf que là, c’était une formation que j’avais choisie et pas subie.

Parfois, on se sent puissamment en phase avec soi-même, parfaitement aligné et c’est ce que j’ai ressenti à ce moment là. Comme on le verra plus tard, il est bon de se rappeler de ces moments là ; quitte à les noter quelque part, c’est très utile pendant les moments de doute et/ou de galère.

Reprendre les études, un peu plus concrètement

Reprendre ses études à quarante ans, après une première partie de vie familiale, et professionnelle, est un challenge. Dans mon cas, la montée en pression à été progressive, et les partiels en ont été le point d’orgue. (Pour l’instant, j’ai le sentiment de ne pas être au bout de mes peines)

C’était assez drôle de retourner à l’Université « physiquement », de trainer des pieds, en retrouvant le pas nonchalant de l’étudiante que je fus, remettre son bon vieux Eastpack sur les épaules et déambuler dans une nouvelle fac. La troisième depuis mes débuts 🙂

Assez rapidement, j’ai repris mes vieux réflexes d’étudiante, mais en mieux. J’ai vieilli, j’ai mûri, et il est très plaisant de constater qu’on ne repart pas de zéro, mais que l’expérience a bonifié la façon que j’avais d’aborder les cours.

Un autre point réjouissant : le constat que refaire travailler son cerveau, et notamment en terme de mémorisation, a un effet très rapide sur nos fonctions cognitives. C’était vraiment un sujet d’inquiétude me concernant : après toutes ces années, est-ce que mon cerveau ne s’était pas trop ramolli ?

Réponse : oui, il s’était franchement ramolli sur les compétences attendues d’un étudiant, et notamment engranger les cours, se remettre dans une situation d’apprenant « scolaire » MAIS ! tout est revenu très vite. Il faut vraiment se tranquilliser de ce côté-là.

Les deux parties les plus difficiles ont été de mon point de vue encaisser la masse de travail sur la fin de semestre : deux dossiers en groupe à rendre viennent faire exploser la charge dédiée aux études et bouleverser les emplois du temps, et sur la fin d’année, il a fallu accepter de passer tout mon temps libre ou presque à bûcher.

Reprendre ses études en travaillant pèse lourdement sur l’organisation familiale, autant y être préparé, anticiper au maximum les soirées de cours, de travail en groupe : faites fonctionner la solidarité pour les repas, les enfants, ou comme dans mon cas, apprenez les basiques de la cuisine à vos enfants, ça sera toujours utile ^^

Ne cherchez pas l’exhaustivité ou la perfection, il y a des rattrapages, des possibilités de passer vos années en plusieurs fois…

Facile à dire je vous l’accorde, mais on y laisse des plumes au moment des fêtes…

 

 

 

 

 

 

 

 

Reprendre les études, ça m’a apporté quoi (so far) ?

A l’heure actuelle, j’attends les notes du premier semestre, et les cours ont redémarré pour le deuxième. Je change avec plaisir mes méthodes de travail, j’utilise de nouveaux outils : WooFlash, Audacity, j’apprécie réellement de voir comment ont évolué mes méthodes d’apprentissage en vingt ans.

Avoir choisi ce cursus, qui fait écho à mon travail de cheffe de projet « Outils Numériques » chez Aspie-Friendly, et bien sûr également aussi à ma démarche de proposer des bilans (orientation, compétences) ou accompagnements (organisation, « job coaching »…) fait parfaitement sens et me nourrit déjà dans mes pratiques au quotidien.

Je retiens de mes apprentissages de ce semestre (nonobstant mes notes…et j’ai conscience du luxe que j’ai de reprendre les études avec déjà un diplôme de Master 2 en poche) :

  • J’ai appris à lire un article scientifique, compétence qui me manquait, notamment pendant la pandémie où je butais sur certaines études, je me sens plus armée pour comprendre certaines polémiques ou critiques concernant la démarche scientifique de tel ou tel projet.
  • J’ai vaincu mon aversion pour la psychanalyse en réussissant à « entrer » dans le cours. Je peux donc plus librement être critique envers cette méthode, parce que je sais de quoi je parle.
  • J’ai accès des milliers de références grâce à la bibliothèque universitaire.
  • Chaque UE m’a ouvert une porte vers la possibilité d’approfondir chaque matière avec les bonnes clés.
  • Je me suis découvert un véritable intérêt pour la psychologie du développement.
  • J’ai appris comment j’aurais du être accompagnée au cours de mes différents diagnostics, et le bienfait que la psychoéducation aurait eu sur moi pendant cette période.
  • Quand on a comme moi beaucoup « consommé » du psychologue, attendu beaucoup de leur part pour expliquer son fonctionnement, passer dans l’envers du décor pour comprendre leur formation a un effet à la fois vertigineux et satisfaisant, de comprendre mieux certaines choses.
  • Je fais de belles rencontres, je découvre une vraie solidarité entre étudiants en distanciel.

Que me réserve la suite ? Je ne sais pas… beaucoup de révisions, d’apprentissages, de découvertes. Probablement des ascenseurs émotionnels, des coups de stress et des bulles de joie. Sans doute des déceptions, des portes ouvertes qui vont se refermer, et des portes dont je ne soupçonne pas encore l’existence qui vont s’ouvrir….

A suivre donc, en attendant, cap sur la psychologie cognitive, sociale et les neurosciences !

 

 

Delphine H. Unicorn